LE CHAUFFAGE DU BITUME

POURQUOI EST-CE AVANTAGEUX DE CHAUFFER LE BITUME À L’ÉLECTRICITÉ ?

INTRODUCTION :

Figure 1 – L’écoulement du bitume par gravité est très lent par temps froid

De nos jours, dans l’industrie pétrolière, on découvre de moins en moins le pétrole brut léger. Les nouveaux gisements sont souvent le pétrole lourd, le bitume et l’asphalte, qu’ils proviennent, entre autres, des sables bitumineux du Canada, du pétrole de schiste ou du forage en mer. Le bitume et l’asphalte, termes parfois utilisés indifféremment, désignent des molécules à longue chaîne d’hydrocarbures de très haute viscosité.
 
En raison de l’intérêt grandissant pour le pétrole lourd, le bitume et l’asphalte, il faut appliquer de nouvelles techniques pour les traiter. Un des gros défis consiste notamment à les faire circuler du réservoir à la raffinerie, d’une station de la raffinerie à la suivante, d’un réservoir de dépôt à un camion ou à un wagon.

 
 

 

 

 

 

Figure 2 – Effet de la température sur la viscosité du bitume sans gaz à pression constante d’Athabasca (ARC) [1]

 
La viscosité particulièrement élévée (figure 2) du bitume d’Athabasca est typique de tous les bitumes. Pour référence, la viscosité de l’eau est de 8,9 x 10-4 Pa.s. La propension constatée de la viscosité à diminuer de façon exponentielle avec la température est également typique.
 
Dans cet article, nous illustrons en termes de quantité l’avantage qu’il y a à chauffer les produits pétroliers lourds avant de les pomper. Par souci de simplicité, nous utiliserons le vocable bitume pour désigner tous les produits pétroliers lourds décrits plus haut.
 
 

 
 

 

 

 

 

 

 

LA DÉPENDANCE DE LA PUISSANCE DE POMPAGE PAR RAPPORT À LA TEMPÉRATURE

 
La puissance P nécessaire pour pomper le bitume à un débit Q dans un tuyau dont la perte de charge Δp est donnée par :
                                                                             (1)
La perte de charge est à son tour proportionnelle au facteur de friction f, au rapport entre la longueur du tuyau l et le diamètre d, et à la pression dynamique ρV
2/2 ; ρ étant la densité et V la vitesse :
                                                                (2)
Puisque le bitume est éminemment visqueux, le flux est laminaire ; nous avons alors l’expression bien connue pour le facteur de friction, à savoir f = 64/Re ; Re étant le nombre de Reynolds
                                                                          (3)
Le débit Q est lié au diamètre du tuyau d et à la vitesse V par
                                                                                    (4)
 
En substituant les équations 2, 3 et 4 à 1, on obtient pour la puissance l’expression
                                                            (5)
Dans l’équation 5, nous voyons que la puissance de pompage est directement proportionnelle à la viscosité, cette dernière dépendant de la température. Un calcul avec l’équation 5 et les données de viscosité de la figure 2 témoigne de l’impact du chauffage ; voir tableau 1.

 
 

 
Effet de la température sur la puissance de pompage du bitume
 

CONDITIONS

Débit volumétrique :

250 baril/heure

Diamètre du tuyau :

3 po

Longueur du tuyau :

500 pi

Densité du bitume

63,05 lb/pi3

Vitesse

7,94 pi/s

PUISSANCE DE POMPAGE CALCULÉE PAR RAPPORT À TEMPÉRATURE

TEMPÉRATURE

VISCOSITÉ, PA.S

PUISSANCE DE POMPAGE, kW

oC

oF

 

 

40

104

17

382,0

60

140

2,8

62,9

80

176

0,6

13,5

100

212

0,2

4,5

 
Tableau 1 – En chauffant le bitume, on économise considérablement en puissance de pompage
 
Par exemple, si le bitume est chauffé de 40°C à 80°C, la puissance de pompage diminue en gros de vingt-cinq fois, passant de 382 kW à 13,5 kW.
Nous notons qu’il y a une économie non seulement en puissance de pompage, mais aussi en coût d’investissement, vu qu’une pompe de 13,5 kW ne coûte qu’une petite fraction d’une pompe de 382 kW.
 

 
LES TECHNIQUES DE CHAUFFAGE ÉLECTRIQUE DU BITUME

 

Figure 3 – Coupe d’un réservoir de bitume avec réchauffeur électrique de canalisation.
 
Plusieurs techniques sont mises en œuvre pour chauffer le bitume. Le chauffage électrique est un choix de premier ordre, notamment en raison de sa précision, son uniformité et sa compacité. Les dispositions communes sont les suivantes :
· Un réchauffeur à brides avec réservoir à immersion comprenant plusieurs éléments chauffants à résistance sous gaine métallique en contact direct avec le bitume. Le bitume est chauffé et circule par convection naturelle à l’intérieur du réservoir ;
·Un réchauffeur à circulation. Le réchauffeur à brides se trouve ici à l’intérieur d’une cuve de circulation équipée de raccords d’entrée et de sortie ; le transfert de chaleur au bitume se fait par convection forcée ;
· Comme le montre la figure 3, un réchauffeur de canalisation dans lequel les éléments chauffants sont enfermés dans un tuyau et, par conséquent, protégés du contact direct avec le bitume. En cas d’extrême viscosité, on peut opter pour cette disposition.
En principe, en cas de chauffage excessif, tout bitume devrait être considéré comme liquide inflammable ou présentant un danger d’explosion. La température maximale de stockage et de manipulation correspond au point d’éclair, c’est-à-dire la température à laquelle les vapeurs forment avec l’air ambiant un mélange gazeux qui s’enflamme sous l’effet d’une source d’énergie calorifique. Cette température varie en fonction de la qualité ; une valeur typique est de 450°F. En conséquence, il est recommandé que les réchauffeurs de bitume aient une enceinte antidéflagrante (NEMA 7).
 
NOMENCLATURE
 

NOM

SYMBOLE

UNITÉ ANGLAISE

UNITÉ SI

Densité

ρ

lb/pi3

kg/m3

Facteur de friction

f

(sans dimension)

Diamètre du tuyau

d

po

m

Longueur du tuyau

l

pi

m

Puissance

P

CH

kw

Perte de charge

Δp

lb/po²

kPa

Nombre de Reynolds

Re

(sans dimension)

Vitesse

V Q

pi/s

m/s

Débit volumétrique

 

barils/heure

m3/s